Petit problème de géométrie gothique sudiste : dans un espace quasi euclidien normé (socialement, moralement, racialement et religieusement), étant donné, d’une part, l’ensemble A constitué de trois éléments féminins (qu’on nommera Mrs. Cope, Mrs. Pritchard et Sally Virginia), d’autre part, l’ensemble B, symétrique du précédent, et constitué de trois éléments masculins (qu’on nommera Powell, Garfield et W.T. Harper), on tentera de décrire le résultat produit par l’intersection de ces deux ensembles, voire l’inclusion de l’ensemble B dans l’ensemble A. On définira notamment la nature atypique du cercle dans lequel semble se résoudre la confrontation des deux ensembles, et l’on expliquera la perte des propriétés formelles réputées invariantes de l’espace quasi euclidien normé menacé par le feu.
De toutes les manières de “problématiser” “A Circle in the Fire”, je retiendrai ici la plus littérale, qui consiste à voir dans cette nouvelle de Flannery O’Connor un problème de géométrie variable ou, comme je le disais, de géométrie gothique sudiste : instable dans ses catégories, grotesque dans ses chevauchements et monstrueuse dans ses métamorphoses. Plusieurs signaux disséminés dans les autres nouvelles m’incitent à privilégier cette approche, notamment la récurrence insistante de motifs géométriques qui spatialisent les enjeux du récit : fenêtres, portes, rectangles de lumière et autres angles droits qui envahissent la géométrie urbaine dans “The Geranium” (6), “Judgement Day” (531) et “Everything That Rises Must Converge” (419), figures circulaires telle l’arène de verdure dont Mrs May occupe le centre sous l’œil du taureau (the bull’s eye) dans “Greenleaf” (332), entrelacs de lignes que forment les voies ferrées à l’approche de la gare dans “The Artificial Nigger” (258), intersection de lignes et de plans dans le tableau abstrait au début de “The River” (157), spirale centripète dessinée par Guizac tournant autour de la tombe du Juge dans “The Displaced Person” (221, 224), spirale centrifuge éloignant Mr. Head et Nelson du dôme qui leur servait de repère à Atlanta dans “The Artificial Nigger” (266), translations et symétries en tous genres qui règlent les changements de places dans la salle d’attente de “Revelation” ou dans le bus de “Everything That Rises Must Converge”. A cette liste, qui ne prétend pas à l’exhaustivité, il faudrait ajouter les nombreuses nouvelles qui, avec une plus ou moins grande ironie métatextuelle, font apparaître le mot “line” dans leurs dernières lignes (j’en compte au moins six). [1]
Cette tendance à l’abstraction géométrique, qui semble aller au rebours de la prédilection affichée par O’Connor pour un “art de l’incarnation” (Mystery and Manners 68), prend une ampleur inattendue dans “A Circle in the Fire”. Elle s’y pare aussi d’emblée d’une remarquable ironie : ainsi, le cercle annoncé par le titre et qui, d’entrée de jeu – car c’est bien d’un jeu qu’il s’agit – cède la place au motif de la ligne à la première ligne du texte : “Sometimes the last line of trees was a solid gray-blue wall” (175). Il y a de la malice à ouvrir ainsi la nouvelle : d’abord parce que l’attente légitimement suscitée par le titre est déjouée, ensuite parce que la première ligne du texte, littéralement convertie en “dernière ligne” (“last line of trees”), dresse aussitôt un mur devant le regard du lecteur qui entre dans l’univers fictif (“a solid gray-blue wall”). Mon propos sera d’identifier dans la nouvelle les diverses manifestations et fonctions de telles métamorphoses de la géométrie en tant qu’elles donnent forme, c’est-à-dire informent et déforment, la structure narrative et les sens qu’elle met en jeu, dans l’acception la plus ludique du mot, certes, mais la plus dangereuse aussi. Car enfin ces enfants devraient savoir qu’on ne joue pas avec les allumettes, surtout quand on doit résoudre un problème de géométrie : c’est pourtant ce qu’ils font, et plus encore qu’avec les allumettes, c’est avec les nerfs de la proprétaire des lieux qu’ils jouent, avec les nôtres aussi. Il y a néanmoins quelque chose d’obscurément jubilatoire à les suivre dans leurs jeux interdits, d’autant qu’ils semblent finalement remporter la partie en entrant à l’intérieur de ce “cercle dans le feu” qui les rend invulnérables, un peu comme s’ils avaient atteint le ciel d’une marelle fictionnelle dont l’ensemble du récit reproduirait le parcours, fait de cases aux formes changeantes et sur lesquelles il faudrait progresser en respectant certaines figures imposées.
Au-delà, ou plutôt en deçà, de “l’ultime rangée d’arbres” sur laquelle s’ouvre le texte, l’incipit recèle d’autres motifs géométriques qui placent bien vite la nouvelle sous le signe d’une sorte d’expérimentation formelle où diverses configurations, envisagées tour à tour, se remplacent, se combattent, se fécondent. Alors que la ligne vient de surprendre le lecteur en retardant l’apparition du cercle éponyme, elle est aussitôt supplantée à son tour par le triangle que forment les trois personnages féminins : “[Mrs. Pritchard] and the child’s mother were underneath the window the child was looking down from” (175). La ligne, le cercle et le triangle : telles sont les trois figures qui ne cesseront de se relayer et de permuter tout au long de la nouvelle. Dans le même paragraphe d’ouverture, un axe de symétrie se dessine entre Mrs. Pritchard et Mrs. Cope, qui portent des chapeaux identiques, bien qu’un principe d’inversion de certains attributs physiques confère à l’une un visage pointu sur un corps rond (“a large woman with a small pointed face”) et à l’autre un visage rond sur un corps longiligne (“Mrs. Cope was the opposite, very small and trim, with a large round face”). Même les chapeaux, malgré leur ressemblance initiale, ont des caractéristiques contraires que souligne une structure en chiasme : “Mrs. Pritchard’s was faded (couleur) and out of shape (forme) while Mrs. Cope’s was still stiff (forme) and bright green (couleur)” (175). Cette symétrie, quoique imparfaite, s’accentuera bientôt aux yeux de la fillette qui les observe, réduisant les deux femmes à des synecdoques qui se font face : “Mrs. Cope’s and Mrs. Pritchard’s legs were facing each other in the black hall” (181) ; puis : “the two sunhats disappeared in the woods” (187). Deux paires de jambes (c’est-à-dire quatre lignes) ou deux chapeaux (c’est-à-dire deux cercles), qu’importe : la représentation des personnages procède par stylisation, c’est-à-dire par sélection de traits ou de formes parcellaires jugés représentatifs d’un tout.
Le même principe de symétrie, doublé encore d’une inversion des attributs physiques, préside à la troublante géométrie des regards associée à Mrs. Cope et à Powell. Le verbe “enlarge” est employé à trois reprises pour définir le regard de Mrs. Cope, le vouant à une sorte d’expansion infinie, ou pour le dire en termes géométriques, à de constants changements d’échelle (175, 177, 185). A l’inverse, encerclement et concentration gouvernent la manière dont les yeux de Powell appréhendent le réel : “one of Powell’s eyes seemed to be making a circle of the place” (179) ; “[he] looked as if he were trying to enclose the whole place in one encircling stare” (181). Certes, ce regard qui encercle fait écho au titre de la nouvelle et matérialise ainsi un premier avatar de la figure circulaire qui triomphera dans le dénouement. Mais en opposant à l’expansion qui caractérise le regard adverse un irrésistible resserrement, il fait jouer (dans tous les sens du terme) deux principes géométriques antagonistes qui déplacent les enjeux du récit sur le terrain plus abstrait de représentations spatiales contradictoires : ce ne sont pas deux individus, deux personnalités, deux psychologies qui entrent en conflit, mais deux principes dynamiques, deux forces certes incarnées dans deux corps, mais aussi stylisées et presque théoriques.
L’espace diégétique, on le voit très vite, est parcouru par plusieurs axes de symétrie qui structurent la nouvelle et la mettent en tension, comme pour éprouver la résistance de l’objet littéraire qu’est cette forme brève si pleine et si dense, en même temps que la résistance des personnages qui l’habitent. Ces axes dessinent des lignes de fracture qui passent soit entre les deux femmes (maîtresse et employée), soit entre les sexes (trois garçons face à un univers entièrement féminin), soit entre les races (“[The two Negroes] passed [Mrs. Cope] almost without looking at her”, 193), soit entre les classes (la propriétaire et les jeunes vagabonds qui contestent son droit à la propriété privée, comme le souligne André Bleikasten dans son récent ouvrage [Bleikasten 55]).
Symboliquement, aux deux-tiers du récit, Mrs. Cope retrouve d’ailleurs les trois garçons “de l’autre côté de la route” (188). La fillette, elle, est traversée par plusieurs de ces lignes de fracture, incapable de définir son appartenance à un espace plutôt qu’à un autre, tout entière livrée à l’indéfinissable état d’enfance qui la laisse incomplète, flottante et pour ainsi dire fantomatique : ni les deux femmes, ni les trois garçons ne remarquent sa présence dans les marges que sont l’étage de la maison et la lisière du bois. Entre fantasme d’émancipation et servilité, elle hurle à sa mère “Leave me be” (190) mais revient vers elle en criant “Mama, Mama” (193) ; entre masculin et féminin, elle enfile une salopette par-dessus sa robe et s’affuble de deux pistolets et d’un chapeau d’homme (comme en réponse au chapeau des deux femmes) (190).
Sous son regard-limite, les autres évoluent au gré d’une chorégraphie dont la précision géométrique surprend. Comme souvent chez O’Connor, il est dit lequel du bras gauche ou du bras droit accomplit l’action la plus insignifiante, de quel côté de la maison se trouvent les uns ou les autres, quel type exact de figure est dessiné par tel geste dans l’espace, quels repères et combien viennent baliser cet epace : “[she] looked down on the other side of the house where there were three white lawn chairs and red hammock strung between two hazelnut trees” ; et plus loin encore : “The large boy was stretched out in the hammock with his wrists crossed under his head and the cigarette stub in the center of his mouth. He spit it out in an arc just as Mrs. Cope came around the corner of the house with a plate of crackers” (181, mes italiques). Un côté, un centre, un arc, un angle : dans l’arène de la fiction où elle les a lancés, O’Connor expérimente sur ses personnages divers types de configurations ; les frôlements auxquels elle les expose la font cruellement jubiler – et nous avec elle. Car si pour l’instant tel côté, tel angle restent clairement identifiés, tel centre demeure circonscrit, tel arc ne dévie pas trop de son tracé, nous savons que cela ne va pas durer, que cette configuration est éphémère, et nous jouissons de deviner qu’elle est promise à un effondrement. Cette géométrie est un peu sadique, mais pas plus que l’enfance où il suffit d’un coup de pied pour faire tomber un château de cartes ou de cubes.
Au fur et à mesure de ces recompositions, O’Connor truffe son texte de précisions numériques surabondantes comme d’autant de cotes géométriques, dans un souci quasi obsessionnel de chiffrage exact du réel. Par contraste, les métamorphoses prennent relief et ampleur sur un arrière-plan de mesures rigoureuses qui expriment la configuration initiale du réel pour mieux faire apprécier les transformations qu’il subit : des abcès dentaires par quatre (177), des oies par quatre aussi (188), treize ans pour Powell (179), douze ans pour la fillette (181), des pins quatre fois plus grands qu’elle (191), dix immeubles à Atlanta de quatre étages de haut (182), rien n’échappe à ce comptage, ni l’heure qu’il est, ni le temps qu’il reste, ni la distance entre les êtres et les choses. O’Connor réalise ses constructions à la règle et au compas. Tout est étroitement quadrillé même si, ironiquement, un quadrillage menace de se superposer à un autre : le parking envisagé avec terreur par la fillette (192) n’est rien d’autre, en vérité, qu’un redécoupage du paysage initialement décrit comme un patchwork (“The trees across the near field were a patchwork of gray and yellow greens”, 176). Le très urbain “parking lot” trouve d’ailleurs son pendant agricole dans la parcelle (“the lot”) évoquée quatre lignes plus bas : “the two Negroes stopped filling the manure spreader in the lot” (193). Cette parcelle serait-elle déjà un parking ? A l’évidence, O’Connor prend autant de plaisir à décomposer et recomposer le décor qu’un enfant à ses jeux de découpage.
En dépit des contraintes qu’imposent ces figures géométriques, elle s’attache à faire trembler les contours de cette représentation hyper-normée et quasi arithmétique en imposant à tous les éléments qui la constituent un principe singulier de circulation et de redistribution des attributs, dont la fixité initiale n’est qu’illusoire. Ce principe est à l’œuvre dans les détails les plus anodins du lexique qui se répondent en d’innombrables échos. Un même mot revient de loin en loin (une forme, un cadre, un geste, une posture) pour qualifier des éléments inscrits dans des plans a priori distincts, mais entre lesquels un trait commun signale une ligne d’intersection. Par exemple, “ambling” caractérise aussi bien l’allure du taureau que la démarche des ouvriers noirs (188, 193) ; “coffin” est un attribut que partage le nouveau-né dans l’anecdote du poumon d’acier et Powell, semblable à un fantôme dressé dans son cercueil (176, 192) ; “destroy” est aux yeux de Mrs. Cope la vocation commune des mauvaises herbes, des ouvriers noirs, de l’ouragan et même de Powell, qui arbore un destroyer sur sa chemise (175, 177, 179, 188) ; “kneel” fait étrangement coïncider trois actes distincts qui, dans cette nouvelle, s’effectuent à genoux à la manière d’une figure imposée : désherber, prier et regarder par la fenêtre (177, 178, 180-81).
Tout se chevauche, se superpose, s’interpénètre, un peu comme si les contours nets dont rêve Mrs. Cope qui désherbe, structure, ordonne et classe, étaient soudain vus à travers le filtre déformant du strabisme de Powell et de Sally Virginia, strabisme étrangement étendu à la perception de tout l’espace fictionnel. Car ces deux-là louchent, elle par moments (“She dropped back from the window and stood with her back against the wall, squinting fiercely as if she had been slapped in the face and couldn’t see who had done it”, 185), lui en permanence (“One of his eyes had a slight cast to it so that it seemed to be coming from two directions at once as if it had them surrounded”, 179). En proie à cette vision déformante, les innombrables avatars de la pointe, du pointu ou du pointage, désignant sans cesse des directions divergentes, illustrent bien le fonctionnement suspect, pour ne pas dire louche, de cette géométrie invitant à un parcours fléché qui, allant partout à la fois, c’est-à-dire dans les trois directions de l’espace, semble ne plus mener nulle part. On s’épuise presque à suivre ces formes aux lignes saillantes qui pointent (to point) ici ou là : le bout de la chaussure de Mrs. Pritchard (“the toe pointed into the ground”, 175), son visage (“a small pointed face”, 175), le déplantoir de Mrs. Cope (“Mrs. Cope was on her knees, pointing her trowel into the ground”, 177 ; puis : “[she] pointed across the road with the trowel”, 177 ; puis encore : “she pointed the trowel up at Mrs. Pritchard”, 178). Où faut-il regarder : en haut, en bas, le ciel, la terre ? Everything that rises must converge – certes, mais dans l’exercice de cette géométrie paradoxale, certains partent avec un sérieux handicap. Et cela ne s’arrange guère lorsque les trois garçons sont réunis : “They stood there, each looking in a different direction” (185). Mieux encore, cela se complique lorsque les paroles des personnages sont spatialisées selon le même schéma divergent. Ainsi, à une question qu’on lui pose, l’un des ouvriers noirs préfère ne pas répondre : “[he] walked off without giving no reply one way or the other” (186, mes italiques). Aurait-il renoncé à suivre toutes ces flèches ? Il parle, en tout cas, comme Powell regarde : “with his two-sided glassed gaze” (188). Et à son tour, ce regard où entre quelque chose qui rappelle le verre (“glassed”) lorgne aussi, si j’ose dire, en direction d’une précédente occurrence du mot “glass” : “the grass was an unnatural green as if it were turning to glass” (185). Grass / Glass – paranomase ou strabisme, quelle importance ? Le regard de verre de Powell le rapproche à nouveau de cette herbe, mauvaise dans tous les sens du terme, qu’il faut tenter d’extirper.
Mais le désherbage entrepris par Mrs. Cope sera vain car trop de turbulences le vouent à l’échec : celles des trois gamins, bien sûr, mais surtout celles d’une géométrie instable qui expose les figures, les êtres, les espaces à d’innombrables formes d’intrusion, d’invasion, d’inclusion, d’englobement. La plus grotesque, mais aussi l’une des plus courantes chez O’Connor, c’est la bouche pleine [2] – ici, celle de la fillette : “a large mouth full of silver bands” (181). Bien au-delà de cet encombrant appareillage, tout l’espace est menacé d’envahissement dès l’ouverture : “The child thought the blank sky looked as if it were pushing against the fortress wall, trying to break through” (176). Très vite, les mauvais garçons prennent racine comme les mauvaises herbes : ils sont dans la place. La pénétration se prolonge par le regard : “All three boys had white penetrating stares” (179). Parfois, le regard taille dans le réel pour en soustraire un fragment : “The big boy turned his head just enough to take in a small section of [Mrs. Cope]” (185). Les limites corporelles ne lui font plus obstacle : “[Powell] continued to look through [Mrs. Cope] at nothing in particular” (189). L’entrée des trois garçons sur la propriété semble même gommer les contours tangibles de l’espace : “as if they were going to walk on through the side of the house” (178). Face à cette menace, un désir obsessionnel de cadrage tente littéralement (mais vainement) de contrecarrer les caprices d’une géométrie devenue fantaisiste et incontrôlable. La jeune observatrice rebaptisée “the child in the window” (182) s’encadre dans la fenêtre qui enserre son regard et où sa mère vient la remplacer, l’espace d’un instant, avant de devoir, à son tour, céder sa place : “The child took over the position in the window” (187). Toujours ce jeu sur la place à prendre : chaises musicales, qui va à la chasse, etc. Il lui faudra sortir de son cadre et se frotter au réel d’un peu plus près, dans les dernières pages de la nouvelle, pour enfin voir autrement, quitte à brandir symboliquement un nouveau cadre devant ses yeux : le quadrillage de l’hypothétique parking.
Cela n’empêche pourtant pas ces espaces qu’on croyait normés, balisés, contenus, de se vider de leur substance : out, out, out, scande le texte. Et le réel ne cesse de fuir, de sortir obstinément de ses limites : sortir d’Atlanta et de ses cités nouvelles (179), sortir de sa chaussure les cailloux qui blessent le pied (180), sortir du hamac (183), sortir des bois (183), sortir la tête par la fenêtre en sortant sa langue comme si l’on allait vomir (185). Et bientôt le principe s’emballe, comme les chevaux que les gamins libèrent : “out the saddleroom”, “out the barn”, “out the milk room”, “out the cans” (186). Puis c’est le taureau : “They’ve let out the bull!” ; puis c’est l’huile de moteur : “the boys let the oil out of the three tractors” (188). Chez O’Connor, il faut que ça sorte. Résultat : “Two blue veins had come out on either side of Mrs. Cope’s forehead” (188). Même la propriétaire ne se contient plus.
Plus rien ne contient rien, d’ailleurs. La porosité des formes se généralise, les états s’interpénètrent. Les garçons ironisent sur le sexe indéterminé de ces êtres qui leur font l’école : “Some of both and some you can’t tell which” (184). Le végétal se fait liquide : “The trees must have looked like green waterfalls through [Powell’s] glasses” (191-92). Le temps change, il n’y a plus de saison, nous voilà dans un entre-deux : “when one thing was finished and another about to begin” (190). Entre-deux encore, le nouveau poste d’observation de la fillette extirpée de son cadre et maintenant à la lisière de deux espaces : “not far from where this patch of woods ended and the back pasture began” (191).
Finis les axiomes gravés dans le marbre : et si, à partir d’aujourd’hui, deux droites parallèles venaient à se croiser ? Finie la belle théorie des ensembles : et si, dans ce monde instable, on n’avait pas seulement les mêmes chapeaux, mais aussi potentiellement la même progéniture ? “Sometimes you look like you might belong to Mrs. Pritchard!”, lance Mrs. Cope à sa fille aux allures de garçon manqué (190). Par un détail géométrique, O’Connor s’amuse à confirmer cette parenté absurde : Mrs. Pritchard avait une tête tout en longueur sur un corps rond, Mrs. Cope une tête ronde sur un corps tout en longueur, Sally Virginia, produit de cette hybridation imaginaire, gardera, comme il se doit chez O’Connor, le moins gracieux de l’une et de l’autre : la tête ronde et le corps rond. Souvenons-nous que l’un des chevaux s’appelle Gene, que ce cheval est mort (180) et que le cauchemar eugéniste des déportations et de l’Holocauste en Europe hante Mrs. Cope, un peu comme Mrs. Shortley dans “The Displaced Person”. Il reste quelque chose de monstrueux dans la généalogie, et les lignées familiales aberrantes s’expriment dans des lignes qui ne le sont pas moins : voilà aussi pourquoi cette fillette anormalement dotéededeux mères se tient sur tant de lignes-frontières, entre les bois et les prés, entre deux sexes, entre deux âges.
Et quand tout s’embrase, “le fond de l’air est rouge”, [3] évidemment, et ces frontières deviennent indistinctes. On voit alors poindre et s’incarner sur un visage une reconfiguration qui bouleverse le modèle cloisonné et hiérarchisé que la fillette avait fait sien : “It was the face of the new misery she felt, but on her mother it looked old and it looked as if it might have belonged to anybody, a Negro or a European or to Powell himself” (193). Ce fantasme, toujours tenu à distance par le fameux “as if” auquel on reconnaît, entre autres, l’écriture d’O’Connor, marque le triomphe potentiel d’un décloisonnement total de l’espace où toutes les caractéristiques circulent et s’échangent, même l’appartenance géographique ou raciale. “Misery”, c’est aussi le mot qu’emploie Mrs. Pritchard pour décrire ses douleurs dentaires : “I got the misery in my face today […] Theseyer teeth. They each one feel like an individual boil” (191). Que ne les fait-elle arracher, ces mauvaises dents, comme Mrs. Cope arrache ses mauvaises herbes ! En attendant, comme dans les bois en flammes, dans sa bouche à elle aussi, ça chauffe (“an individual boil”). Même chapeau, même fille, même feu, même misère.
Pour mieux inscrire dans la matière du texte ces motifs connexes d’inclusion et de porosité, O’Connor s’attache à faire déraper les dialogues, qui sautent souvent du coq à l’âne, d’où de fréquents télescopages, des ajointements abrupts et de surprenantes proximités. Ainsi ce glissement inattendu dans la conversation entre les deux femmes, dont chacune suit son idée :
“It looks like a fire. You better get up and smell around and see if the woods ain’t on fire.”
“She had her arm around it in the coffin,” Mrs. Pritchard went on, but her voice was drowned out by the sound of the tractor (176).
Et les paroles se diluent finalement dans un bruit de fond parasite. La première apparition des trois intrus (178) est elle-même construite sur le mode d’une inclusion narrative qui vient interrompre le dialogue : d’abord une remarque proverbiale dont Mrs. Cope a le secret (“‘It doesn’t all come at once,’ Mrs. Cope said sharply”) ; puis aussitôt la description des trois garçons aperçus par la fillette (“The child could see over to where the dirt road joined the highway. She saw a pick-up truck stop at the gate and let off three boys who started walking up the pink dirt road […]”) ; et sans transition, le retour au dialogue (“‘Well, if it ever did,’ Mrs. Pritchard said, ‘it would be nothing you could do but fling up your hands’”). Il y a là envahissement du discours autant que de l’espace. A plusieurs reprises, en vertu d’un principe similaire, les propos de la fillette dans les bois semblent s’adresser en même temps à deux interlocuteurs : “Leave me be”, qu’elle destine autant à sa mère qu’aux buissons qui l’entravent, et “Line up”, qu’elle lance à la fois aux arbres et aux trois garçons (190).
“LINE UP!” est même répété en majuscules – et voici que revient avec insistance la figure de la ligne, accompagnée, quatre lignes plus haut, de celle du cercle, identifiée au trou que le soleil perce dans le ciel : “The sun had risen a little and was only a white hole like an opening for the wind to escape through in a sky a little darker than itself” (191). Ce n’est pas la première fois que ces figures affleurent de nouveau à la surface du texte, depuis l’incipit qui inaugurait leur présence. On a d’abord vu Mrs. Pritchard attirer l’attention d’un ouvrier noir d’un mouvement circulaire du bras : “[she] waved her arm in a fierce circle” (176). Peu après, le triangle formé par les trois garçons s’aplatit en une ligne dès leur arrivée : “They walked single file” – motif instable aussitôt dédoublé dans le paysage : “Mrs. Pritchard folded her arms and gazed down the road as if she could see easily enough all these fine hills flattened to nothing” (178). Puis c’est au tour du cercle de rejoindre la ligne en une nouvelle métamorphose géométrique d’une grande fluidité : “One of Powell’s eyes seemed to be making a circle of the place, examining the house […] and the pastures that rolled away on either side until they met the first line of woods” (179). L’arc dessiné par le mégot que crache l’un des garçons (181) semble bientôt esquisser un segment encore incomplet du cercle annoncé par le titre. Puis le cercle revient frôler la ligne : “the sun […] was going down in front of them, almost on top of the tree line” (184). Au début de l’incendie, le feu décrit une ligne de fracture qui va s’élargissant : “there was a narrow line of fire widening between her and them” (193). Une fois l’alerte donnée, un nouveau triangle masculin se reforme : “Mr. Pritchard came out of the open end of the barn and the two Negroes stopped filling the manure spreader” (193).
Enfin, phase ultime de ces permutations formelles incessantes, les trois figures sont à nouveau réunies dans les deux dernières phrases du dénouement :
The child turned her head quickly, and past the Negroes’ ambling figures she could see the column of smoke rising and widening unchecked inside the granite line of trees. She stood taut, listening, and could just catch in the distance a few wild high shrieks of joy as if the prophets were dancing in the fiery furnace, in the circle the angel had cleared for them. (193)
Certes, la lecture peut s’arrêter sur le motif biblique dont le texte offre un lointain écho – something we can “just catch in the distance”. C’est la piste que privilégie par exemple Kathleen Feeley dans Voice of the Peacock (Feeley 184-85). L’allusion renvoie en effet à l’épisode du Livre de Daniel (3:26-27) où trois jeunes prophètes, précipités dans une “fournaise ardente” (“fiery furnace”) pour avoir refusé de vénérer une idole, sont sauvés des flammes par un ange. L’attachement excessif de Mrs. Cope aux biens matériels l’apparente aux idolâtres du récit biblique, ce qui justifie son châtiment, tandis que les trois prophètes, ironiquement transformés en sauvageons incendiaires, doivent leur salut à la reconnaissance d’un seul Dieu : “Gawd owns them woods and her too”, affirme l’un deux (186). Drôle de catéchisme, donc, où Dieu est du côté des pyromanes – il est vrai que la chose n’est pas rare chez O’Connor. Cependant, les motifs géométriques repris par ce dénouement me semblent au moins aussi visibles que le motif biblique. Une autre trinité, de pure forme, celle-ci, rappelle son impérieuse présence : la ligne (“the granite line of trees”), le cercle (“the circle the angel had cleared for them”) et le triangle (puisque les prophètes du Livre de Daniel, comme Powell et ses acolytes, vont toujours par trois). La ligne, identique à celle de l’incipit, s’est courbée en une vaste boucle qui englobe tout l’espace du texte ; elle circonscrit même la colonne de fumée en un nouvel avatar du principe d’inclusion si omniprésent. Le triangle constitué par les trois personnages n’est guère moins instable : il danse avec eux dans la fournaise. Il vient s’inscrire à son tour dans le cercle, lui-même inscrit dans le feu, lui-même contenu par la ligne dont le symbolisme métatextuel s’impose encore clairement. Sally Virginia reste perplexe devant ce jeu de poupées russes.
Inclusion, intrusion, invasion, interpénétration : pour géométriques qu’elles soient, ces quelques figures imposées auraient pourtant pu s’incarner davantage. Elles le font presque, mais en creux, comme par défaut, dans la scène si fortement sexualisée où Sally Virginia observe les trois garçons qui se baignent nus dans l’abreuvoir. Sally Virginia Cope : the one who has to copewith her virginity to sally out of it – on sait le goût parfois acrobatique de l’auteur pour l’onomastique. Pour une fois, dans sa correspondance, O’Connor elle-même, pourtant prompte à orienter les interprétations de sa fiction vers le religieux et ainsi à les verrouiller, ouvre une autre porte par laquelle la charge érotique de la nouvelle est entraperçue, et résumée par ces mots : “a strong kind of sex potential […] turned aside” (The Habit of Being 119). [4]
Il est clair, en tout cas, qu’elle a semé, avant la scène du bain, quelques signes précurseurs d’un déniaisement à venir. A sa fenêtre, Sally Virginia est déjà rouge d’excitation (180). Sa mère confirme le caractère sexuel de la menaçante intrusion : “I can’t have three boys in here with only me and Sally Virginia” (181). Elle détourne d’ailleurs pudiquement les yeux lorsque l’un des trois intrus ôte sa chemise et la laisse pendre “comme une queue” (“like a tail”, 183) à l’arrière de son pantalon, puis les met en garde par une formule dont la portée sexuelle est évidente : “I expect you to act like gentlemen” (185). Le plus gros des trois, qui a finalement remarqué la présence de Sally Virginia à la fenêtre, lui prête une maturité inattendue en s’écriant “another woman” (185), et l’inclut explicitement dans sa remarque ultérieure : “I never seen a place with so many damn women on it” (186). Puis, quand par bravade, elle lance : “I could handle them quicker than that”, Mrs. Pritchard rétorque : “They’d handle you” (187), et le verbe ici répété conserve quelque chose de son sens premier : “to touch, lift, etc. with the hand or hands” (Webster) – jeu de mains, et on connaît la suite.
Ou plutôt on croit la connaître, car elle ne vient pas. Il se passe autre chose à la place, ou plus exactement à côté, dans un espace contigu, sur cette lisière entre bois et prés d’où la fille, plus tout à fait fillette, regarde la nudité des corps. Il s’agit de déjouer l’attente, de renverser le schéma prévisible : les prédateurs potentiels deviennent l’objet d’une prédation passant par le regard. Dans cette nouvelle posture, le personnage fait étrangement penser à la belle voyeuse anonyme de la section 11 de “Song of Myself” dans Leaves of Grass de Walt Whitman (bien que le poète ne soit mentionné ni dans les essais, ni dans la correspondance d’O’Connor). Toutes deux cachées et immobiles, elles observent les ébats de plusieurs baigneurs nus. Entre la nouvelle (d’ailleurs si préoccupée d’herbe) et le poème, les échos lexicaux sont nombreux. Chez O’Connor : “the sun [is] glinting on their long wet bodies”, “their ribs [are] moving up and down” (192). Chez Whitman, même soleil, même éclat liquide, même détail anatomique concernant les côtes de ces corps masculins, mêmes adjectifs “long” et “wet”, le tout dans les mêmes joyeuses éclaboussures. [5] Cependant, O’Connor, bien loin de Whitman, canalise le débordement érotique potentiel et le déplace ici sur l’abreuvoir : “the water that flowed over the side of the tank” (191). A nouveau, le contenant est pris en défaut, les limites dépassées, mais seulement dans un à-côté dont le rapport métonymique à l’émoi charnel du personnage duplique sa position marginale sur les lieux de cette ébauche d’initiation : frottement bord à bord de deux ensembles plutôt qu’interpénétration.
Même sans effraction, l’épisode laisse néanmoins une trace tangible sur la chair, comme dans une version érotisée de l’inscription du crucifix sur la joue de la fillette dans les dernières lignes de “A Temple of the Holy Ghost” (248). Ici, c’est le tronc de l’arbre derrière lequel elle se cache qui marque le visage de Sally Virginia : “The child stood partly hidden behind a pine trunk, the side of her face pressed into the bark” (192). Plus haut, les pins sont décrits ainsi : “long bare-trunked pines” (191). La polysémie de “trunk” donne à voir, à côté du tronc long et nu du corps des trois baigneurs (“their long wet bodies”), ce tronc végétal, long et nu lui aussi, qui détourne et déplace les enjeux charnels sur un espace adjacent. Une nouvelle manipulation géométrique se dessine. Convertie en une figure de la contiguïté, une sorte d’avatar métonymique, la sexualité est ainsi tenue à distance, à l’image de la colonne de fumée du dénouement qui nous montre le feu dans ses manifestations périphériques, et non le feu lui-même.
Alors la boucle est bouclée si l’on considère l’anecdote de l’accouchement dans un poumon d’acier, sur lequel s’ouvrait la nouvelle, comme une construction géométrique régie par les mêmes principes d’inclusion et de contiguïté : “You know that woman that had that baby in that iron lung ? […] She was a Pritchard that married a Brookins and so’s kin to me-about my seventh or eighth cousin by marriage” (175). La contiguïté s’exprime ici à la fois dans une parenté revendiquée par Mrs. Pritchard (“kin to me”) et dans l’effet de juxtaposition incongrue de l’anecdote et de la situation d’exposition, effet lui-même spatialisé dans la topographie de l’incipit puisque la fillette qui entend l’anecdote depuis sa fenêtre appartient à un espace distinct mais attenant. L’inclusion se manifeste évidemment dans l’enchâssement de l’humain dans le métallique (“in that iron lung”), figure que l’instabilité géométrique renversera bientôt en nous montrant l’appareil dentaire de la fillette, c’est-à-dire du métallique dans de l’humain. Dans la phrase de Mrs. Pritchard : “You know that woman that had that baby in that iron lung”, le martèlement plus qu’insistant de “that”, tantôt conjonction de subordination, tantôt pronom relatif, tantôt adjectif démonstratif, frappe l’oreille. La syntaxe, comme bientôt la nouvelle tout entière, aboute et emboîte. C’est un jeu. Ce jeu sur la contiguïté (familiale) et l’inclusion reviendra en un troublant écho : “Lemme tell you, lady, one time he locked his little brother in a box and set it on fire”, affirme le plus petit des trois gamins au sujet de Powell (184). Prenez un proche (contiguïté), mettez-le dans une boîte (inclusion) et faites flamber le tout ; O’Connor n’est pas loin d’en faire autant avec ses personnages.
Au bout du compte, la malléabilité, souvent paradoxale, des formes et des principes géométriques sur lesquels se construit la nouvelle vient contredire l’obsession d’ordre, de fixité et de permanence qui hante Mrs. Cope. Une cruauté un peu ludique, un peu sadique, mais pas très catholique, préside à la combinatoire toujours instable qui contraint les êtres, les choses et les événements à sortir de leurs contours et à modifier profondément le champ de leurs interactions. De tous les jeux et jouets qui m’ont aidé à modéliser les ressorts narratifs dans “A Circle in the Fire” (marelle, châteaux de cartes, cubes et autres jeux de construction, découpage, chaises musicales, poupées russes, jeux de mains, jeux interdits), beaucoup, me semble-t-il, pourraient aussi servir à métaphoriser les enjeux d’autres nouvelles d’O’Connor. Mais pour les innombrables freaks magnifiques et ridicules dont elle peuple sa fiction, la marelle reste le jeu le plus cruel. Courage à vous, semble-t-elle leur dire, vous les obèses, que la lourdeur empêche d’atteindre le ciel de cette marelle, vous les bigles et les louches, qui voyez deux cases en une, vous les simplets, qui avez une case en moins, vous les unijambistes, qui bien sûr progressez beaucoup moins vite et avez tôt fait de rater une case, avancez, courez, dansez, et que ça saute, quoi qu’il en coûte. L’œil qui vous regarde est sans pitié, sa cruauté est sans limite, puisque après tout, comme on dit, ou comme le diraient peut-être ces bonnes dames du Sud au bon sens légendaire : The sky’s the limit! Mais en deçà du ciel de cette marelle, tout est possible.
Ouvrages cités
BLEIKASTEN, André. Flannery O’Connor. Paris : Belin, Voix américaines, 2004.
FEELEY, Kathleen. Flannery O’Connor: Voice of the Peacock. 1972. New York: Fordham University Press, 1982.
O’CONNOR, Flannery. The Complete Stories. 1971. London: Faber and Faber, 1990.
. The Habit of Being. 1979. New York: Farrar, Straus and Giroux, 1988.
. Mystery and Manners: Occasional Prose. 1969. New York: Farrar, Straus and Giroux, 1970.
WHITMAN, Walt. Leaves of Grass. 1891-92. New York: Norton, 2002.
Notes
[1] “A Late Encounter with the Enemy”, “The River”, “A Temple of the Hoy Ghost”, “Greenleaf”, “The Enduring Chill”, “Revelation”. Quant au récit de “Everything That Rises Must Converge”, il suit littéralement la trajectoire fatale des protagonistes sur la ligne de bus qui débouche sur les rectangles lumineux où vient finir leur course (419-20).
[2] On se souvient, par exemple, de la fillette dans “A Temple of the Holy Ghost” (“the braces she had in her mouth glared like tin”, 237) et de Mr. Cheatam (“All his teeth were backed with gold”, 237). Ce qui emplit grotesquement la bouche est aussi appelé à en être expulsé : c’est le vomissement de Norton au début de “The Lame Shall Enter First” (448).
[3] J’emprunte ici le titre d’un film de Chris Marker (1977).
“[Ben Griffith, a university scholar] remarked that in these stories there was usually a strong kind of sex potential that was always turned aside and that this gave the stories some of their tension-as for instance in “A Circle in the Fire” where there is a strong possibility that the child in the woods with the boys may be attacked-but the attack takes another form. I really hadn’t thought of it until he pointed it out but I believe it is a very perceptive comment” (The Habit of Being 119).
[4] “The beards of the young men glisten’d with wet, it ran from their long hair, / Little streams pass’d all over their bodies. / An unseen hand also pass’d over their bodies, / It descended tremblingly from their temples to their ribs. / The young men float on their backs, their white bellies bulge to the sun […]” (Whitman 34).
[5] On observe un déplacement similaire dans “The Comforts of Home”, où le frisson érotique ne tient qu’à la pénétration d’un pistolet dans un sac à main (402-403). De même, dans “A Temple of the Holy Ghost”, au lieu de poser ouvertement la question qui lui brûle les lèvres : “Comment les enfants viennent-ils au monde ?”, la fillette fournit elle-même une réponse qui tombe littéralement à côté de l’objet de ses préoccupations, grotesquement déviées sur le règne animal : la lapine a craché ses six petits lapins par la bouche (246).