Le dire avec une fleur : The Geranium de Flannery O’Connor



par : Geraldine Chouard


Ouverture


Pour la première nouvelle de son recueil, publiée en 1946, Flannery O’Connor s’avance avec une fleur : un géranium rose pâle, présenté dans un pot, entouré d’un gros nœud vert. Quoi de plus gracieux comme entrée en matière. Mais même si avec ce géranium, Flannery O’Connor s’invite chez le lecteur avec courtoisie, on ne saurait se fier à ses bonnes manières. En effet, elle n’est pas du genre à faire des fleurs à qui que ce soit. Et sa prose n’a rien non plus de très fleuri. Ce géranium liminaire, en état-limite sur le rebord d’une fenêtre, est bien sûr voué à la chute, suivant le principe selon lequel, chez O’Connor, le pire est toujours sûr. C’est dans son œuvre une loi inélucable où le mécanique rejoint souvent l’eschatologique pour donner à toute chute le poids qu’elle mérite. Et il faut ici signaler d’emblée qu’à l’autre bout du receuil, il est une nouvelle qui fait pendant à cette histoire inaugurale de géranium, récrite quelques vingt ans plus tard, dans une tonalité beaucoup plus sombre, dont le titre “Judgement Day” souligne une dernière fois les résonances apocalyptiques de cette œuvre animée par la foi. [1]
En réalité, derrière ce géranium se cache déjà une affaire de jugement, non pas venu d’une instance transcendante, mais bien plutôt un de ces règlements de compte auxquels se livrent ses personnages de l’œuvre (dans le cadre pas si feutré de leur espace domestique) le plus souvent à coups d’agressions physiques et d’invectives verbales. Si le pot de fleur n’était tombé par terre, il est à parier qu’il aurait traversé la nouvelle dans l’autre sens, lancé à la figure de l’un ou l’autre des protagonistes. Autre loi de l’univers o’connorien, les objets se déplacent (pot de fleur, sac à main ou jambe de bois) avec une violence redoutable. [2]


Dès la première page, à peine le géranium est-il nommé que déjà pointent désillusions, tensions et conflits. Qu’il suffise pour s’en convaincre d’opérer un zoom-arrière et d’observer la mise en scène du dit géranium. L’endroit où il figure est un encadrement de fenêtre dans un immeuble délabré de New York dont les briques rouges sont devenues noires de crasse. C’est dans ce décor de théâtre sordide que se trouve le géranium, ou plutôt où il devrait s’y trouver, car en fait, il n’y est pas. Absence que constate le vieux Dudley, qui observe ce lieu critique (à la fois au sens de mystérieux : pourquoi donc n’est-il pas là, et de décisif, désignant l’endroit où se noue l’intrigue) depuis la fenêtre d’en face : contrairement à ses habitudes, son voisin n’a pas sorti son géranium, comme il le fait habituellement tous les matins vers dix heures. Une seule fleur vous manque et New York est dépeuplé : c’est sur ce non-événement minuscule que commence l’histoire. Moteur.


De quelle histoire s’agit-il d’ailleurs ? Que nous raconte-t-elle ? Pas grand chose en réalité. A l’instar de cet incipit minimal, la nouvelle est d’une envergure assez limitée. Un pot de fleur qui tombe par terre, pas de quoi en écrire des pages. Sauf que si, justement. O’ Connor sait opérer dans un champ restreint -c’est même peut-être là son terrain de prédilection.


Déplacements


Car cette chute s’ouvre sur bien d’autres déplacements, géographiques mais aussi freudiens, qui donne à la nouvelle une certaine portée. Ce geste horizontal qui consiste à sortir puis à rentrer le géranium, assorti au mouvement vertical de la chute finale construisent ensemble un repère qu’on pourrait qualifier d’orthonormé, qui régit l’univers de cette nouvelle par ailleurs très cadastrée, pour dire justement un certain nombre de choses qui sortent de la norme. Des choses nécessaires, comme tout ce qu’écrit Flannery O’Connor, qui a des choses à dire, ici avec une fleur.


“Une fleur pour le dire”, qu’est-ce à dire?


Avec ce titre qui reprend, comme le fait souvent O’Connor, une formule toute faite, je voudrais tenter de débusquer ce qui se dit autour, par, à travers, le géranium, ce “vouloir-dire” qui prend chez les auteurs du Sud une résonnance toute particulière. Ce qu’elle a voulu dire et bien sûr comment elle s’y est prise pour le dire, à travers l’examen de quelques unes des stratégies narratives mises en place dès ce texte inaugural, qu’elle développera et affinera par la suite. “Le” dire, c’est-à-dire ce qui déclare et ce qui se devine, ce qui se concède et ce qui se désavoue, ce qui gravite autour du rationnel (la loi de Newton) et ce qui s’agite du côté pulsionnel (la loi du désir, qu’il soit exprimé ou refoulé).


Que les choses soient claires, il ne s’agit pas ici seulement d’une histoire de pot de fleur. Derrière ce géranium, pour commencer, il y a un homme, un vieillard. Cette nouvelle aurait pu s’intituler “Le vieil homme et la fleur” : d’ailleurs le mot “géronte” n’est guère éloigné du mot “géranium”. [3] Sally Fitzgerald invoque pour un tel rapprochement un poème de T.S. Eliot “Rhapsody on a Windy Night” (1917) qui auraient inspiré O’ Connor, dont les deux vers suivants évoquent, à bien des égards, le drame qui se joue dans cette nouvelle:


Midnight shakes the Memory

As a Madman Shakes a dead geranium. [4]


Exilé loin du lieu où il a toujours vécu, Dudley est un vieil homme, pas si fou que ça, mais bouleversé par ses souvenirs. Contrairement aux personnages souvent amnésiques de l’œuvre de O’Connor, condamnés à ne vivre que dans l’instant, il a la tête pleine de trous de trop de mémoire. Cette nouvelle rhapsodique ravive l’mage d’un passé sudiste qui n’est plus, évoque un présent placé sous le signe du manque et secoue au passage quelques idées reçues.


Il faut d’abord noter l’étrangeté de cette posture de départ. Pour entrer en littérature, Flannery O’Connor choisit de parler nom d’un vieil homme vivant dans un taudis à New York:


The first story I wrote and sold was about an old man who went to live in a New York slum-no experience of mine as far as old men and slums went, but I did know what it meant to be homesick. I couldn’t have written about my being homesick. (Letter to Maryat Lee, 24/2/1957)



Plusieurs déplacements sont ici à l’œuvre: Flannery O’Connor décrit la migration d’un vieillard pour évoquer son exil de sa Géorgie natale. C’est aussi pour elle l’occasion d’un dédoublement, puisqu’elle devient à la fois ce vieil homme et sa fille. Soi-même comme un autre, ou plutôt deux autres: cette stratégie oblique est peut-être en fait la plus directe, ou du moins celle qui permet d’en dire davantage. “Tell all the truth but tell it slant” (# 1129) écrivait Emily Dickinson. O’Connor n’aurait pas renié cette formule, elle qui a souvent pris des chemins de traverse afin de donner davantage d’impact à son propos.


New York, ou l’indifférenciation



Pour commencer, le texte est marqué par un déplacement géogaphique: “The Geranium” est la seule nouvelle à ne pas être située dans le Sud. Une manière de prendre ses distances avec ses origines, un changement de lieu pour acquérir un espace de la parole. Partir, pour la jeune Flannery, c’est avant tout s’éloigner de sa mère, Regina, la régente, et accéder ainsi à une forme de pouvoir symbolique. [5] On le sait, c’est en principe le père qu’on tue pour se mettre à écrire; avec Flannery, c’est la mère, mais une mère veuve qui fait figure de père, une mère autoritaire, une mère-père. “The Geranium” se chargera de régler son compte à la mère par l’intermédiaire de la fille et au père par le biais du (grand-)père. On s’arrange comme on peut avec le symbolique, surtout au début, avec les transferts et les déplacements qui s’imposent.


A propos de déplacement, d’éloignement (de la mère) et de prise de parole, il faut ici citer le cas d’une autre femme du Sud, qui, à peu près à la même époque, se lance aussi dans l’écriture, en commençant par des nouvelles: c’est Eudora Welty, qui publie son premier recueil en 1941, “A Curtain Of Green”. De nombreux rapprochements seraient à faire entre ces deux femmes, dont les partis pris éthiques et esthétiques ont beaucoup en commun (notons au passage que pour Welty, O’Connor fait partie des écrivains qui comptent). Soulignons simplement ici que dans son premier receuil, Welty fait aussi figurer une nouvelle située à New York (une seule) [6] où il aussi est question de femme et de fleur : elle s’intitule “Flowers for Marjorie”. Titre trompeur à nouveau, puisque cette nouvelle évoque la sombre histoire de deux déracinés du Mississippi venus s’installer à New York : lui, Howard, est au chomâge, elle, Marjorie, enceinte, est désœuvrée et passe la sainte journée seule à la maison. Elle ne regarde pas les géraniums de son voisin, mais presque : elle observe les fleurs qui poussent autour du pâté de maison où elle se trouve confinée. Un beau matin, elle cueille une pensée jaune qu’elle épingle sur son manteau. Geste anodin en apparence mais qui se révélera fatal et l’histoire se termine dans un bain de sang : de retour chez lui, le regard de Howard se fixe sur cette fleur qui se fantasmagorise, devient comme chez Georgia O’Keeffe la métaphore du sexe de sa femme, l’abîme où s’engloutit son identité toute entière [7] : pour faire disparaître cette fleur-gouffre, il plante alors un couteau dans le ventre de sa femme qui s’effondre aussitôt, sur le rebord de la fenêtre. Chez Welty non plus, la vie ne vous fait pas de fleur.


Moins tragique sans doute, “Le Géranium” est tout de même un récit sous tension, marqué par des tiraillements et antagonismes en tous genres. Contrairement à la nouvelle de Welty, centrée sur un couple de jeunes mariés, il s’agit ici d’un autre couple, le père et la fille, d’un père chez sa fille, laquelle est mariée et a un fils. Mais aucun des membres de la famille ne porte de nom. Seul figure le nom du père, le vieux Dudley. Dud, dude, quasi dead. Plus très vaillant, ce père. Décrépit. Défait. Déchu.
Déraciné, comme le géranium. Un père hors repères, un père qui ne s’appartient plus. Mais pourquoi a-t-il donc accepté de venir s’exiler chez sa fille? C’est qu’un jour, à Atlanta, il avait vu au cinéma Big Town Rythm (un film inventé pour les besoins de la cause, avec un titre d’une symbolique marquée). Pouvoir des images, attrait de la modernité, il avait été séduit par ce qu’il avait vu à l’écran:


Big towns were important places. The thing inside him had sneaked up on him for just one instant. The place like he’d seen in the picture show had room for him ! it was an important place and it had room for him. He’d said yes, he’d go. (4)



Affaire de pulsion, désir irrépressible, il avait cédé à la tentation, qu’on peut lire dans la formule “sneaked up on him” guère éloignée phonétiquement du mot “snake”. Mais en croquant la grosse pomme, il avait commis un acte irréversible. Impossible à ce stade de revenir en arrière, de retrouver la vielle pension qu’il se met à regretter avec amertume. Comme le dit une autre œuvre du Sud “You can’t go home again” (Thomas Wolfe, 1943). “The Geranium”, c’est l’histoire d’un oui qui aurait dû être un non : “He must have been sick when he said it” (4). Trop tard. Et voilà comment on écrit l’histoire.


Contrairement à ses attentes, l’appartement où vit sa fille est un lieu médiocre et étriqué, où il n’y a pas de place pour lui. A la fois “displaced” et “out of place”. le vieux Dudley doit même partager la chambre de son adolescent de petit-fils et connaître malgré lui l’intimité d’une famille : “no place to be out of their way” (6). Une promiscuité qui s’exprime encore en ces termes :


The apartment was too tight. There was no place to be where there wasn’t somebody else. The kitchen opened into the bathroom and the bathroom opened into everything else and you were always where you started from. (7)



La syntaxe mime l’enchaînement du pauvre homme qui tourne en rond, et la reprise du “and” accentue l’effet d’étouffement. Il ne peut échapper physiquement ni mentalement à l’épreuve aliénante de ce voisinage contre-nature où il fait figure d’intrus. Pas de cloisonnement, pas de séparation et pas de langage non plus pour établir le lien, c’est-à-dire à la fois ce qui met en relation et qui permet la différenciation.


En effet, parmi ce trio, cette triade familiale (la mère, le père, le fils), le vieux Dudley n’a personne à qui parler. Son gendre, chauffeur routier de son état, passe son temps sur la route et ne rentre que le week-end pour articuler quelques monosyllabes incompréhensibles. A seize ans, son petit-fils vit dans un monde parallèle, hérmétique à l’échange: “he could not be talked to” (6). Quant à sa fille, c’est une autre affaire. Certes, elle lui parle, mais il faut voir quand, pourquoi et comment. En dehors du semblant de dialogue qui s’instaure entre eux, ce qui compte dans leur relation est un discours hors-texte en amont, qui a abouti à la sitiuation présente. Un échange clos sur lequel il revient sans cesse et dont le récit nous offre quelques unes des ratiocinations mentales, sur le mode du style indirect libre, très fréquent chez O’Connor:


He could have got out of going. He could have been stubborn and told her he’d spend his life where he’d always spent it, send him or not send him the money every month, he’d get along with his pension and odd jobs. Keep her damn money-she needed it worse than he did. She would have been glad to have had her duty diposed of like that. Then she could have said if he died without his children near him, it was his own fault ; if he got sick and there wasn’t anybody to take care of him, well, he’d asked for it, she could have said. (4)



Litanie de questions et de réponses où se dessine en filigrane le portrait de sa fille : une femme de devoir (le mot “duty” revient à plusieurs reprises à son sujet), bien-pensante, sûre de son bon droit, comme il en est de nombreuses qui habitent, ou plutôt qui hantent l’œuvre de O’Connor. Donneuses de leçons impénitentes, elles ont la dent dure et le verbe haut. Certains sont plus drôles que d’autres, avec leurs formules à l’emporte-pièce, comme Mrs Turpin, dans “A Revelation”. Bien d’autres exemples de matrones seraient ici à citer : souvent flanquées d’un grand fils, elles officient dans une de ces scènes d’affrontrements oedipiens qui font rage dans son œuvre : qu’il s’agisse de “The Enduring Chill”, à “Everything That Rises Must Converge” ou encore à “The Conforts of Home”, tous les John, Julian ou autre Thomas ont fort à faire pour s’imposer face à leurs mères respectives, redoutables castratrices devant l’éternel. [8]


Ici, le portrait de la femme semble insuffisamment développé. Il n’est pas encore véritablement drôle, ce qui est en soi symptomatique : sans doute Flannery O’Connor n’a-t-elle pas encore véritablement trouvé la distance nécessaire pour ironiser sur ce rapport de pouvoir, qui a dominé sa propre existence. Elle en reste pour l’instant à un constat de domination inverse, celui que la fille impose à son père, qu’elle infantilise. En ne lui laissant pas le choix de sa destinée, elle lui a coupé le sifflet, ce qui littéralement lui est resté en travers du gosier: Voilà pourquoi il a la gorge sèche et serrée : le mot “taut” revient ici souvent, rimant avec “nought” pour évoquer le zéro qu’il est devenu ici. Dudley a la gorge comprimée par les mots qui s’y nouent et qui n’ont pu et qui ne pourront jamais être prononcés : “he felt his throat knotting up” (3). Et du matin au soir, il a les larmes qui lui montent aux yeux. Ces larmes, c’est le seul fluide qu’il soit encore capable d’émettre. Littéralement, il ne lui reste que ses yeux pour pleurer.


A propos de flux ou de fluide, il faut noter que la parole et l’argent sont du même côté : avoir les moyens, c’est avoir le droit à la parole. Comme dit le proverbe : “He who pays the piper calls the tune”. C’est donc la fille qui paie qui qui orchestre l’échange, s’adressant à son père à heure fixe, et selon un protocole établi par ses soins:


First she had to think of something to say. Usually it gave out before what she considered was the proper time to get up and do something else, so he would have to say something. He always tried to think of something he had not said before. She never listened a second time. (6)



Mécanique parfaitement connue, qui prend en charge l’impatience de sa fille incapable de tolérer que son père se répète (qu’il radote) alors qu’elle l’a par ailleurs privé de toute forme d’interaction qui auraient pu nourrir son dialogue. Le voilà donc frustré, dépossédé, vidé. Reste l’envie de dire, mais plus de contenu.


Dans ce huis-clos étouffant, on comprend mieux pourquoi le vieil homme se met à regarder chez ses voisins. Le géranium, c’est tout de même une fenêtre ouverte sur l’extérieur, l’amorce d’une alterité ou d’une alternative. D’un point de vue narratif, le procédé est habile, puisqu’il permet de varier les perspectives sans changer de lieu. Il sera bien sûr repris au cinéma notamment par Hitchcock avec le célèbre Fenêtre sur Cour (Rear Window, 1954).


Avant d’en arriver à la rencontre dans l’escalier, qui est à la fois ouverture vers un autre univers, révélation d’une nouvelle forme d’aliénation et rappel d’un Sud qui n’est plus, il faut s’arrêter un instant sur de la topographie de New York telle qu’elle figure dans le texte, car cette localisation est l’occasion de déplacements particuliers. Partir s’exiler à New York, devenir un expatrié (“An Exile in the East”, selon le second titre de la nouvelle, quand elle fut reprise en 1955), c’est à bien des égards être expulsé hors de soi-même : c’est à plusieurs titres pour Dudley, une régression marquée par divers symptômes d’indifférenciation.


Métropole cadastrée où les rues, les immeubles, les appartements se ressemblent tous, New York représente la ville des temps modernes, inhumaine et abstraite : “His daughter didn’t even live in a house. She lived in a building-the middle in a row of buildings all alike” (6). La seule loi qui vaille est celle de la géométrie qui ne laisse place à aucun affect : “they were halls that reminded you of tape measures strung out with a door every inch” (6). Désaffecté, New York est aussi un lieu frappé d’irréalité, comme le suggère ce délire (de delirare, sortir du sillon, dérailler) qui se saisit de lui :


He remembered he’d been dazed by the building the first week. He’d wake up expecting the halls to have changed in the night and he’d look out of the door and they stretched like dog runs. The streets were in the same way. He wondered where he’d be if he walked to the end of the building-nowhere. (6) [11]



New York est donc une utopie, un non-lieu. L’ épisode du métro cristallise le phénomène de régression : the “subway” est décrit comme ” a railroad underneath the ground like a big cave” (7). Sale, bruyant, surchauffé, c’est le lieu de tous les brassages, confusions et salmigondis : “They [people] rolled of the and down steps and into trains –black and white and yellow, all mixed up like vegetable soup” (7). Quant aux trains qui débouchent des tunnels, ils frappent de toute leur puissance la conscience vulnérable du pauvre Dudley, qui ne peut plus dire un mot et se sent la nausée l’envahir. “He felt like his tongue had slipped down in his stomach” (7) : curieuse expression qui signifie explicitement la défaillance de sa virilité. Deux lignes plus loi, il se laisse tomber, à deux doigts de la syncope. Ce qui déclenche les hurlements publics de sa fille : “Do you want to fall off and kill yourself ?” (7). Pour remettre sur les rails le bras ce père qui vacille, la fille le ramène par le bras en lui promettant le confort du foyer : “you’ll feel better when you get home” (7).


Back Home


“Home ?” repète-t-il. Quel foyer ? En réalité, il n’y a rien à attendre de la domesticité familiale et il ne le sait que trop bien. Le vrai foyer, pour Dudley, ce n’est pas cet immeuble new-yorkais où cohabitent noirs et blancs, mais plutôt la pension de son Sud natal, où il vivait depuis plus de vingt ans (depuis la mort de sa femme) et dont il rêve, à tout moment, sur le mode du fantasme.


C’est par le biais du géranium que s’ inscrit d’emblée au sein de la nouvelle, cet établissement regretté et tout le cortège de valeurs sudistes qui lui sont rattachés. Contrairement à ce pauvre géranium new-yorkais mal en point, Dudley se souvient de ceux qu’il y avait là-bas au pays : “Ours are sho nuff geraniums” (3). Opposition binaire entre le vrai et le faux, doublée d’un jeu sur le plein et le vide et qui pointe aussi sans doute, en filigrane, vers une dialectique entre le ça et le surmoi.


L’ enfant malade (“the Grisby boy”) auquel la plante est comparée fait le lien entre la fleur etlevieil
homme : victime de la polio, il est exposé au soleil pour réchauffer ses membres paralysés, comme le vieux Dudley s’installe à la fenêtre à heure fixe tous les matins, pour se réchauffer le cœur. C’est peut-être aussi une figure de l’auteur, atteinte du lupus erythémateux, cette maladie du sang et des os qui l’mportera avant l’heure. Ce passage rappelle indirectement un tableau de Hopper, People in the Sun (1960), où des hommes et des femmes, assis dans des chaises longues, prennent le soleil sans échanger une parole. L’ambiance sol(it)aire et tétanisée de certaines toiles de Hopper (parfois qualifiées de “gothiques”) n’est pas étrangère à l’atmosphère de cette nouvelle de O’Connor, où les êtres semblent juxtaposés les uns aux autres, incapables de communiquer, murés dans leur “habitude d’être”, chacune la leur. Plus proche de la thématique de cette nouvelle de O’Connor, signalons encore au passage ce tableau de Hopper, de 1956, “Four Lane Road”, où figure un homme tranquillement assis dans un fauteuil, une cigarette à la main, regardant au loin dans le vide, vers une ligne d’horizon indéchiffrable, tandis que derrière lui, une femme sort la tête de la fenêtre et s’adresse à lui, sans doute pour lui demander (de faire) quelque chose. “Why couldn’t she just let him sit ?” (10) pourrait-il répliquer de concert avec le vieux Dudley. Ici ou là, en d’autres termes, la guerre des sexes a toujours lieu ; elle est à la croisée de toutes les destinées d’Amérique ou d’ailleurs.


Chez O’ Connor, c’est donc la fille qui houspille le père, lui suggère d’aller faire un tour dehors, quand elle ne l’oblige pas à descendre chez la voisine pour lui demander un patron de couture, autre manière de lui signifier qu’il n’est plus le pattern : ni le pater, ni le boss, ni le modèle. Malgré son refus intérieur “Why did she have to pester him ? (4), il obtempère. Pas le choix. Mais la plupart du temps, pour échapper à ses injonctions qui lui sont faites de (se) bouger, il se déplace mentalement, revenant au temps béni où il lui restait quelques prérogatives. Là-bas.


Mais le Sud auquel rêve le vieux Dudley n’est pas un monde idéal où les rapports de force auraient disparu, loin s’en faut. Il ne faudrait pas lire cette nouvelle en supposant une nostalgie de commande chez l’auteur, qui impliquerait une adhésion aux valeurs passéistes invoquées par Dudley. Non, le Sud qui est ici dépeint est bien son Sud à lui, un monde où la division raciale jouait en sa faveur, une société où les noirs témoignaient d’une certaine allégeance envers les blancs. Rien à voir avec ce “noir artificiel” habitant l’immeuble, qui se pavane dans des tenues à la mode, dont les chaussettes à paillettes représentent à ses yeux une sophistication vaine, et même ridicule. Non, dans la vision arriérée (et même archaïque) de Dudley, contrairement aux “noirs des villes”, les “noirs des champs” savaient rester à leur place. [9] Du même coup, il se sentait à sa place, en place. Voilà ce qui lui manque et qu’il ne retrouvera jamais.


De qui se souvient-il, au juste, ce pauvre diable ? Du couple Lutisha et Rabie, la cuisinière et le jardinier de la pension de famille. Un peu d’onomastique éclaire ici les enjeux (comme c’est souvent le cas chez O’ Connor) : Lutisha, c’est à peu de chose près Laetitia, c’est-à-dire la joie, ce qui n’est pas loin de la jouissance. Toute entière placée du coté de l’oralité, c’est une femme qui a de l’appétit: elle cuisine et elle cause. Tout le contraire de sa fille, femme de devoir par excellence. C’est là que se précise l’opposition entre le ça et le surmoi qui informe le texte: “Lutish could root anything” (3) se souvient-il. Elle avait la main verte en quelque sorte ; elle savait faire en sorte qu’autour d’elle les choses et vraisemblablement les êtres s’épanouissent. [10] Vraie femme-fleur, le dimanche, elle portait un gros nœud bouffant qui donnait à son uniforme un air de fête. Une coquetterie dont Dudley se souvient avec attendrissement :”Lutish had a fondness for sashes. Most niggers did.” (9)


Dudley n’en est pas à une généralité près, et c’est ainsi qu’il aime encore à se rappeler ce désir que Lutisha avait eu de porter une paire lunettes, qu’elle avait achetée à une boutique à quatre sous, juste pour faire chic : “Niggers don’t think they’re dressed till they got glasses”. Et plus loin, de conclure en gloussant “That was niggers.” (10)


Le maniement du point de vue narratif met clairement en évidence l’attitude paternaliste de Dudley à l’égard de Rabie : justement, à l’époque, c’était lui le père ; il le faisait même rêver en lui racontant la magie des grandes villes et les autres merveilles qu’il avait vues de par le monde: “he liked to hear about Atlanta when Old Dudley had been there and about how guns were put together on the inside and all the other things thez old man knew” (5). Cette condescendance n’est pas sans rappeler celle que la fille témoigne à son père. Mais à la différence de celle-ci, toujours prête à le raisonner et à vider l’échange de tout affect, il y avait entre les deux hommes un certain sens du partage, déplacé sans doute (loin d’être égalitaire), mais un échange quand même, ou du moins une certaine forme de pulsion qui pouvait alors s’exprimer.


Le nom de Rabie est lui également significatif. Rabie (Rabbit) évoque quelque chose de leste et de proliférant, tout à la fois la malice et le mouvement:


Rabie was a light-footed nigger. He could sneak in a hen house ‘thout even the hens knowing it and get him the fattest fryer in there and not a squawk. Fast too. (11)



Il faut sans doute lire à double sens cette capacité de Rabie à s’introduire dans le poulailler sans éveiller le soupçon de la moindre poule. Pareil pour les femmes, en somme. Simple affaire de ruse. Ce qui est confirmé quelques lignes plus bas :


Lutish cooked and Rabie took care of the cleaning and the vegetable garden ; but he was sharp at sneaking off with half his work done and going to help. Old Dudley with some current project-building a hen house or painting a door. (5)



Il n’est pas exclu de voir dans le couple Dudley-Rabie une réminiscence lointaine d’un couple mythique de la littérature du Sud, Huckleberry Finn et Jim, deux enfants, un blanc et un noir, mettant le cap vers la liberté (Mark Twain, Huckleberry Finn, 1884). Dans Love and Death in the American Novel, Leslie Fiedler a avancé que les véritables couples de la littérature américaine n’étaient pas des hétérosexuels adultes, mais plutôt des amis, des “potes”, des mates en quelque sorte, peut-être une association plus commode quand il s’agit de bâtir un pays. Sans être exceptionnelle, la relation entre Dudley et Rabie est bel et bien fondée sur le plaisir qu’ils ont à être ensemble. Dans toute son ambivalence, ce plaisir partagé entre les races fait partie des données de base de la littérature du Sud, qu’il importe redéfinir selon chaque contexte. Il est ici placé sous le signe de la complicité masculine. Qu’il s’agisse d’aller à la chasse ou à la pêche, les deux compères étaient toujours de mêche “to get away from the ladies” (5) et se payer du bon temps à l’extérieur. Ils allaient soit disant traquer l’opossum: en réalité, dans cette partie de chasse, c’était moins la chose en soi qui comptait, l’animal en question, que la liberté que conférait l’ action : notons au passage que le vocable “‘possum” tel qu’il apparaît dans le texte signifie tout simplement (en latin, certes, mais quand même) : “je peux”. A la page suivante, la réitération du “might could” dans la langue oralisée de Dudley, va dans le même sens. Ne (se) doutant littéralement de rien, il avait envisagé de proposer à son voisin d’ aller à la pêche: “Maybe this nigger would know the country around here-or maybe how to get to it. They might could hunt. They might could find them a stream somewhere. “(8) C’était compter sans sa fille pour laquelle il n’y a jamais le moindre “might” ni l’ombre d’un “could” qui vaille: “Tend to your own business” (9) lui avait-elle rétorqué. Dont acte.


Il est donc loin le bon vieux temps où Dudley se faisait appeler “boss”. Aujourd’hui, de façon symptomatique, c’est un noir en grandes pompes (“the nigger in the shiny shoes”) qui l’appelle “old-timer”. Vieux schnock, hasbeen, Dudley a fait son temps. Décalé, déphasé, il n’a même pas les outils mentaux pour comprendre son propre déplacement. Pour lui, le noir ne pouvait être autre chose qu’un “domestique”. Quand sa fille lui explique que la pratique n’a plus cours et que ce noir habite l’immeuble au même titre qu’eux, la chose lui paraît tellement invraisemblable qu’il se met à rire : “she could be right funny when she wanted to” (8). Bien sûr, cela n’a rien de drôle, et si le lecteur en rit, c’est du vieux Dudley qu’il se moque.


Deux (de) chutes


Dans un tel contexte hors-texte, l’épisode de l’escalier est vécu à la fois comme agression et comme une régression. A bien des égards, pour Dudley, c’est un renversement, un vrai charivari. Tandis que, s’imaginant revenu au bon vieux temps d’antan, il profite du temps passé dans l’escalier (son unique sas de liberté) pour mimer une partie de chasse, un fusil invisible à la main (dont il est bien sûr inutile de souligner la valeur phallique). Surpris par l’arrivée de son voisin dans l’escalier, le vieux Dudley manque quelques marches et tombe par terre. C’est donc ce “yankee nigger” tiré à quatre épingles qui lui donne le bras pour le ramène chez lui –enfin, chez sa fille– assortissant son geste de quelques paroles de réconfort prononcées sur un ton paternaliste : “Give a little help here”, “So you hunt ?”, “What do you use” ? (12). Et l’étranger profite du moment passé dans l’escalier pour lui administrer quelques leçons de morale et autres bons conseils : “Seems kind of a shame to deplete the game reserve”, “Well, it’s a swell place-once you get used to it.” (13)


Après sa fille, voilà un noir qui se met à lui parler sur ce ton infantilisant. Le vieux Dudley est donc tombé bien bas. Avant la chute finale, celle du pot de fleur en l’occurrence, tous les symtômes du départ se trouvent réactivés. Dudley a la gorge serrée comme dans un étau, les yeux embués de larmes, les jambes vacillantes :


His throat was going to pop. His throat was going to pop on account of a nigger-a damn nigger that patted him on the back and called him “old-timer.” Him that knew such as that couldn’t be. Him that had come to a good place. A good place. A place where such as that couldn’t be. His eyes felt strange in their sockets. There were swelling in them and in a minute there wouldn’t be any room left for them here. (13)



Défait, perdu, Dudley regagne alors sa chaise longue et s’y effondre. Et toujours pas de géranium.

La scène de clôture réactualise les manques, les absences et humiliations qui se sont succédés au fil de cette nouvelle placée sous le signe d’une sévère régression. Je voudrais pour terminer suggérer une lecture freudienne de cette histoire de géranium, qui est en quelque sorte “l’absent de tout bouquet” puisqu’en fin de compte, il n’a pas réapparu. Ce va-et-vient du géranium sur le rebord de la fenêtre n’est pas sans rappeler la bobine que l’enfant cache et fait réapparaître, illustrant le “fort-da” dont Freud a fait le principe de symbolisation primaire, permettant de modéliser l’absence de la mère (Au-delà du principe de plaisir 15-20). En se plaçant face à la fenêtre à heures fixes, le matin et le soir, ce n’est certes pas Dudley qui se livre à ce jeu d’apparition et de disparition, mais la mécanique est si bien réglée que par un effet de déplacement (de sa chaise), tout se passe comme si c’était lui qui en avait l’initiative. La preuve, c’est que lorsque le géranium vient à manquer, il s’effondre comme un enfant qui ne voit plus sa mère et pense qu’elle a disparu pour toujours.


Revenu au stade de la petite enfance, le pauvre Dudley n’a plus la force de poser qu’une question, à son voisin d’en face : “Where is the geranium ?” Comme on s’y attendait, il est tombé par terre. C’est la nouvelle que lui annonce ainsi de but en blanc le propriétaire du géranium. C’est comme ça et pas autrement. Et comme si la chose ne suffisait pas, cet homme qui se tient donc désormais à place de la fleur, lui prodigue un dernier avertissemement: Arrêtez de reluquer chez moi toute la journée. Ce ne sont pas vos affaires. Ça ne vous regarde pas.


Voilà qui est dit, une fois pour toutes, et sans fleur. Pour le pauvre Dudley, c’est le bouquet. Le rideau tombe sur cet ultime outrage. Dans l’œuvre de Flannery O’Connor, ce ne sera pourtant pas le dernier, loin de là. Entre le géranium d’ouverture et le jugement dernier, affronts, offenses et insultes vont se succéder, avec une violence vertigineuse, sans qu’il ne soit plus question de fleur. Et au fil de sa fiction, plus dures seront les chutes.



Notes

[1] Dans Precision and Depth in Flannery O’Connor’s Short Stories, Karl-Heinz Westarp consacre un chapitre aux différentes versions de la nouvelle: “O’Connor’s Artistic Development exemplified through the ‘Judgement-Day’ material ” (44-62).

[2] Pour plus de précisions sur ce type de déplacements, voir Aurélie Guillain : “Collisions et scandales : les chocs dans les nouvelles de Flannery O’Connor”, (139-151).

[3] C’est ce que fait remarquer Jacques Pothier (69).

[4] “The Owl and the Nightingale”, Flannery O’Connor Bulletin (1984), 44-58.

[5] C’est précisément sur le terrain des fleurs que se règlent un certain nombre de conflits mère-fille, par le biais des paons: “My mother’s fears were all borne out. Peacocks not only eat flowers, they eat them systematically, beginning at the head of a row and going down it. If they are not hungry, they will pick the flower anyway, if it is attractive, and let it drop. For general eating they prefer chrysanthemums and roses. When they are not eating flowers, they enjoy sitting on top of them, and where the peacock sits he will eventually fashion a dusting hole. Any chicken’s dusting hole is out of place in a flower bed, but the peafowl’s hole, being the size of a small crater, is more so. When he dusts he all but obliterates the sight of himself with sand. Usually when someone arrives at full gallop with the leveled broom, he can see nothing through the cloud of dirt and flying flowers but a few green feathers and a beady, pleasure-taking eye. From the beginning, relations between these birds and my mother were strained. She was forced, at first, to get up early in the morning and go out with her clippers to reach the Lady Bankshire and the Herbert Hoover roses before some peafowl had breakfasted upon them” (“The King of Birds”, Mystery and Manners 16-17 (titre original: “Living with a Peacock”, Holiday, Sep. 1961). Face à ce luxe de spécification, le géranium fait figure de degré zéro de la fleur.

[6] Il faut sans doute y voir une sorte de passage obligé, une sorte de tribut littéraire payé à la cause de la grande métropole, placée de façon assez convenue sous le signe de la solitude et de l’abstraction.

[7] “Howard lowered his eyes and once again he saw the pansy. There it shone, a wide-open yellow flower with dark red veins and edges. Against the sky-blue of Marjorie’s old coat it began in Howard’s anxious sight to lose its identity of flower-size and assume the gradual and large curves of a mountain on the horizon of a desert, the veins becoming crevasses, the delicate edges the giant worn lips of a sleeping crater. His heart jumped to its mouth”. (Complete Stories 99)

[8] Voir les pages qu’André Bleikasten consacre à ce sujet dans “Mères et fils” (82-88).

[9] Je reprends ici une distinction de Sophie Vallas dans “Le paon, le Noir des villes et le Noir des champs : regard sur quelques spécimens du bestiaire coloré des nouvelles de Flannery O’Connor” (80-91).

[10] Welty et O’Connor se rejoignent encore sur le terrain des fleurs. “Why I live at the P.O.” (1941), l’une des nouvelles les plus cinglantes de Welty, évoque ainsi un terrible règlement de compte familial qui se solde par le départ de la protagoniste, une certaine “Sister” qui décide un jour de s’installer dans un bureau de poste. Quand elle quitte son domicile, la voilà qui emporte tout son matériel, juqu’aux fleurs qu’elle se met à déraciner :

I went out front and started digging up some four-o’clocks to plant around the P.O.

“Ah, ah, ah ! says mama, raising the window. ‘Those happen to be my four o’clocks. Everything planted in that star is mine. I’ve never known you to make anything grow in your life. (‘Why I Live at the P.O.”, Complete Stories, 53)

Sa mère, qui lui a toujours préféré sa sœur, Stella, lui rappelle donc qu’elle a toujours été incapable “de faire pousser quoi que ce soit”, ce qui est sans doute une manière déplacée de lui dire qu’elle n’a jamais pu faire naître le moindre désir chez qui que ce soit. A l’inverse de Lutisha ; semble-t-il.

[11] L’œuvre de Welty met aussi en scène un épisode où figure ce “might-could”, sans doute caractéristique du discours oralisé du Sud. Dans One Writer’s Beginnings (1984), Eudora évoque cet épisode où elle avait invité une camarade de classe à venir chez elle. Par dessus la cloison séparant les habitacles (la scène se passe aux toilettes de l’école), celle-ci avait répondu “I might could”. L’institutrice, qui avait tout entendu, demanda alors d’une voix furieuse “Who said MIGHT-COULD ?” (27) et les avait menacées d’une punition en cas de récidive. Chez les presbytérien(ne)s du Sud, on ne badine pas avec la grammaire.


Références bibliographiques



– Bleikasten, André Flannery O’ Connor. Paris : Belin, Voix américaines, 2004.

– Dickinson, Emily The Complete Poems (1862). Harmondsworth: Penguin, 1962.

– Eliot, T.S. Selected Poems, 1954. London : Faber & faber, 1986.

– Fiedler, Leslie Love and Death in the American Novel (1960). New York : Harmondsworth, 1984.

– Fitzgerald, Sally “The Owl and the Nightingale”, Flannery O’Connor Bulletin (1984), 44-58.

– Freud, Sigmund Essais de psychanalyse appliquée. Paris: Payot, 1963. (tr V. Jankélévitch)

– Guillain, Aurélie “Collisions et scandales : les chocs dans les nouvelles de Flannery O’ Connor”. Flannery O’Connor. The Complete Stories. Marie-Claude Perrin-Chenour, ed. Paris : Editions du temps, 2004

– Kranzfelder, Ivo Hopper. Köln : Taschen, 1995.

– O’ Connor, Flannery The Complete Stories. New York : Farrar, Strauss and Giroux, 1972.

“The King of Birds”, Mystery and Manners 3-21 (first published as “Living with a Peacock”, Holiday, Sep. 1961)

– Perrin-Chenour, Marie-Claude, ed.
Flannery O’Connor. The Complete Stories. Paris : Editions du temps, 2004.

– Pothier, Jacques Les Nouvelles de Flannery O’Connor. Synthèse d’une œuvre. Editions de l’Université de Versailles-St Quentin-en-Yvelines, Editions du Temps, 2004.

– Vallas, Sophie “Le paon, le Noir des villes et le Noir des champs : regard sur quelques spécimens du bestiaire coloré des nouvelles de Flannery O’Connor.” Flannery O’Connor. The Complete Stories. Marie-Claude Perrin-Chenour, ed. Paris : Editions du temps, 2004

– Westarp, Karl-Heinz Precision and Depth in Flannery O’Connor’s Short Stories. Aarhus, Denmark : Aarhus University Press, 2002.

– Welty, Eudora The Collected Stories. New York : Harvest 1980.

One Writer’s Beginnings. Cambridge : Harvard UP, 1984.

– Westling, Louise Sacred Groves and Ravaged Gardens : The Fiction of Eudora Welty, Carson Mc Cullers, and Flannery O’Connor. Athens, GA UP, 1985.